04/04/2012 Texte

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Le Soir - Les Echos : « Ceux qui choisissent de s'établir en France doivent accepter les valeurs de la République»

Après une vaste opération de police, plus d’une dizaine d’islamistes ont été placés en garde à vue depuis vendredi pour détention d’armes et association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes. Que peut-on dire aujourd’hui des filières jihadistes en France ?

Les musulmans de France ne sont pas imperméables aux mouvances du djihadisme international. Il y a donc de très rares brebis galeuses qui cherchent à être le relais de ces mouvances sur le territoire français. Ils adoptent des attitudes djihadistes, prônent la charia pour les musulmans en France et luttent contre les valeurs de la République. Ce sont des gens empreints d’idéologie salafiste à travers une mobilisation intellectuelle. Ils disposent de structures, d’armes et pratiquent des entrainements conséquents. Ce sont des individus qui veulent combattre les valeurs intrinsèques de la France.

Quelles sont les raisons qui justifient cette tendance en France ?

Dans tous les pays, on trouve des extrémistes attirés par les comportements violents. En France, on compte une vingtaine d’islamistes qui avaient rejoint l’Afghanistan. C’est une infime minorité par rapport aux quatre ou cinq millions de Français musulmans. Par ailleurs, la machine à intégrer française est en panne pour des raisons essentiellement financières et par manque d’implications des parents. Il y a aussi la pression du nombre puisque la France a ouvert les vannes de l’immigration alors qu’elle n’était pas capable d’intégrer tous ceux qu’elle recevait. Malgré cela, la majorité des immigrés sont heureux en France ; c’est pourquoi, ils y restent et prospèrent.

Y a-t-il des liens directs entre ces groupes islamistes et Al-Qaïda ?

La frontière entre l’idéologie du wahabisme djihadiste d’Al Qaida et ces groupes est assez mince. Il y a des gens en France comme Mohammed Merah qui ont des profils particuliers dans la mesure où ils se sont rendus dans des camps d’entrainement au Pakistan, en Afghanistan et au Yémen. Souvent ils s’organisent en réseau car partageant la même idéologie, les mêmes convictions. Aussi l’accès à internet a donné d’autres possibilités puisque des gens vont sur des sites terroristes s’imprègnent des enseignements et de la haine divulgués par Al Qaïda. Mais je pense que les leaders d’Al Qaida n’ont plus le loisir de passer des messages car ils sont traqués de partout et placés sous haute surveillance.

Comment fonctionnent-ils sur le territoire français ?

Ils se procurent généralement des armes au marché noir. Il s’agit souvent d’armes de guerre issues des conflits des pays de l’Est. Le coup de filet de la Police qui a permis d’arrêter les membres du groupe radical Forsane Alizza prouve que ces gens étaient sous surveillance car placés sur le radar des autorités depuis le mois d’octobre, quand une enquête avait été ouverte. Les autorités s’étaient alors rendu compte que les actions de ce groupe commençaient à représenter une menace pour l’ordre public. Généralement, ces personnes évoluent en réseau et ont des structures pour leurs entrainements. L’affaire Merah a montré des défaillances dans l’appareil sécuritaire dans la mesure où les autorités savaient qu’il était parti en Afghanistan. J’espère bien qu’il s’agit d’un cas isolé, et que le nécessaire est fait pour éviter de tels drames dans l’avenir. Cela fait quand même plus de quinze ans déjà que nous n’avons pas assisté à une telle violence terroriste sur le territoire français.

Par quels moyens les autorités peuvent-elles contrer la menace islamiste ?

Depuis le milieu des années 90, un arsenal juridique a été mis en place. Cela a donné de larges prérogatives à la police pour anticiper, tout en respectant les libertés de chacun. Toutefois, la Police ne peut pas suivre tout le monde. Certes, Mohammed Merah a réussi à déjouer le dispositif. Ce précédent devrait permettre aux autorités de tirer les enseignements de cette épreuve.

Après les tueries de Toulouse et de Montauban, l’immigration a été pointée du doigt comme facteur d’insécurité. Qu’en pensez-vous ?

Ce débat intervenu au cours de la campagne électorale verse dans la surenchère. Lorsqu’un drame pareil se produit, chacun des candidats veut se montrer le plus à même de garantir la sécurité des citoyens. Cependant, par rapport à l’expulsion d’imams extrémistes en pleine période électorale, je crois qu’il faut déjà s’assurer de savoir si les raisons sont d’ordre politique ou non. Car le gouvernement doit agir avec clarté dans le respect des lois. S’il s’avère par la suite que les autorités ont outrepassé leur droit, ces personnes seront autorisées par la justice à revenir en France. Toutefois, il convient de préciser que ces personnes qui choisissent de s’établir en France doivent accepter les valeurs de la République et non venir dans l’objectif de les contourner ou de les détruire.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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