24/09/2012 Texte

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Investissements qataris en France: "Le Qatar ne rentre pas par effraction, mais arrive avec la caution du pouvoir"

 

Après le PSG, LVMH, Lagardère et d’autres, le Qatar va investir dans les banlieues françaises, via un fonds auquel vont participer l’Etat et des entreprises privées. Faut-il s'en inquiéter ? BFMTV.com a posé la question à Antoine Basbous, politologue spécialiste du monde arabe et de l’islam.

 

Pourquoi le Qatar s'intéresse-t-il à la France ?

Le Qatar n’a pas d’intérêt seulement pour la France, mais pour la terre entière. Sur 100 milliards de dollars investis, six milliards sont investis en France. Le Qatar est un pays de 250.000 personnes, qui ont de gros revenus. Ils ont une manne gazière, beaucoup de liquidités et cherchent à les investir. Ils les investissent dans l’image, dans les entreprises de luxe, mais aussi dans le football : l’investissement dans le PSG leur permet de bien connaître un club de l’intérieur, et de se préparer à la Coupe du monde.

Il faut savoir aussi que géographiquement, le Qatar est coincé entre de grandes puissances. Il a donc besoin de montrer qu’il existe. Il cherche des solutions, les meilleurs investissements… Il lui faut montrer son indépendance et diversifier ses recettes.

Après le PSG, les médias et le luxe, les banlieues c’est autre chose…

Le Qatar reçoit beaucoup d’hommes politiques ou de la société civile. Un jour, l’émir a reçu des élus de l'Association des élus de la diversité (Aneld) qui sont venus lui réclamer des fonds. Il a aussitôt accepté de verser 50 millions d’euros. La classe politique française l’a interprété comme une intrusion [c’était en pleine campagne électorale, ndlr], le fonds a été gelé par l'émir, puis réactivé sous le gouvernement socialiste.

Pour le Qatar, c’est une façon de donner un gage d’intérêt pour la nouvelle majorité en investissant avec elle. Ils veulent coopérer sur de nombreux points, notamment sur la situation en Syrie ou encore au nord du Mali. Au final, tout le monde est gagnant dans le fait que le fonds soit franco-qatari : la France montre qu’elle a son mot à dire, et le Qatar peut de son côté diversifier ses placements. Mais cet investissement, à l’inverse des précédents, n’a pas qu’une vocation purement économique : il touche à la composante majoritairement musulmane du tissu national français.

Comment vérifier les investissements qatariens ?

Comme tous les autres : les entreprises françaises dans lesquelles ils investissent communiquent sur les investissements. Le Qatar communique lui aussi.

Jusqu’où vont-ils aller ?

Si les Etats-Unis ou l’Allemagne décidaient d’investir dans les banlieues, je ne pense pas qu’on se poserait cette question.

Il faut améliorer la vie dans les banlieues, la France a pris beaucoup de retard dans ce domaine – et l’investissement qatarien représente d’ailleurs une goutte d’eau par rapport aux besoins. Le Qatar apporte de l’argent avec la caution du gouvernement. Tant que cela fonctionne comme cela, il n’y a pas de raison de s’offusquer à mon sens. Et le Qatar sait qu’il a besoin de rassurer.

Quelles conséquences pour les banlieues ?

Cet investissement va donner de la visibilité au Qatar dans les banlieues. Peut-être même que cela donnera envie à d’autres puissances d’investir. Mais j’en doute, parce qu’elles ont déjà leurs propres banlieues à gérer…

D’autres pays, en Afrique du Nord notamment, risquent de voir cet investissement d’un mauvais œil. Il ne faut pas oublier que le Qatar a soutenu les révolutions arabes, médiatiquement et diplomatiquement. Certains pays craignent qu’il soutienne une éventuelle contestation pour faire tomber les régimes en place.

Que répondez-vous aux politiques qui s’inquiètent de l’investissement du Qatar ?

Le Qatar arrive dans les banlieues associé au gouvernement, donc pas d’inquiétudes ! Si d’un côté on peut comprendre des réserves devant l’entreprise qatarienne qui se développe partout dans le monde et cherche à collectionner des investissements, il faut aussi se souvenir que le Qatar est un pays qui a des surplus et cherche donc à les investir. Il ne rentre pas par effraction, alors pourquoi le critiquer puisqu’il respecte les règles de l’art?


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OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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