05/06/2013 Texte

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La France peut-elle intervenir en Syrie?

Après la confirmation de l'utilisation de gaz sarin par le régime d'Assad, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a évoqué mardi l'idée d'"une intervention armée" en Syrie. Mais pour l'heure, un tel scénario paraît plus qu'hypothétique.


"Toutes les options sont sur la table." Mardi soir sur le plateau du 20h de France 2, Laurent Fabius n'a exclu aucune hypothèse après avoir affirmé que "le régime de Bachar el-Assad et ses complices" utilisaient du gaz sarin en Syrie. Pour le chef de la diplomatie française, "une ligne est franchie, incontestablement". "Ou bien on décide de ne pas réagir ou bien on réagit, y compris d'une façon armée, là où est produit, où est stocké le gaz" neurotoxique, inodore et invisible, a expliqué le ministre des Affaires étrangères. En août 2012, François Hollande avait même affirmé que le recours à des armes chimiques par le régime syrien serait une "cause légitime d'intervention directe".

Obama "n'a pas envie de poser les pieds dans un nouveau guêpier"

Mais dix mois plus tard, l'équation s'avère délicate à résoudre pour Paris. D'abord parce que "la France n'a ni l'envie ni les moyens d'agir seule", explique au JDD.fr Antoine Basbous*, directeur de l'Observatoire des pays arabes. "Nous ne pouvons agir que dans le cadre de la légalité internationale", a souligné mercredi devant la presse François Hollande. Concrètement, si "la France entreprenait cette aventure, elle trouverait Assad et ses brigades terroristes, mais aussi l'Iran et la Russie. Donc il faut que l'alliance pour pacifier la Syrie soit bien plus large que la seule France, au moins l'Europe." Pour l'heure, seule la Grande-Bretagne a adopté une attitude aussi ferme que celle de Paris.

Au-delà de ses alliés européens, la France aurait aussi et surtout besoin du soutien des Etats-Unis pour intervenir. Or, même si Barack Obama avait estimé en août dernier que l'utilisation d'armes chimiques constituerait "la ligne rouge", Washington se montre aujourd'hui beaucoup plus prudent. Et dit attendre "des preuves" avant toute prise de décision. "Le président américain a été élu pour se désengager des conflits dont il a hérité que ce soit en Afghanistan ou en Irak. Donc il n'a pas envie de poser les pieds dans un nouveau guêpier alors que l'armée est fatiguée, que les enjeux ne lui paraissent pas être primordiaux et que les finances des Etats-Unis sont encore non assainies", analyse Antoine Basbous.

De la "gesticulation"

Si une intervention militaire française paraît donc très peu probable, quel crédit faut-il alors accorder aux déclarations de Laurent Fabius? "Il s'agit de gesticulation qui n'a aucune valeur au stade actuel. S'il avait au moins convoqué une réunion de l'Otan, ça aurait pu intimider la Russie, l'Iran et pousser Assad lui-même à réfléchir. Or, on en est pas du tout là", balaye Antoine Basbous. Selon lui, les pays occidentaux auraient dû davantage "laisser planer le doute sur une éventuelle action militaire pour faire peur à Assad. Il n'y a même pas l'art de vendre son impuissance."

La révélation sur l'utilisation du gaz sarin intervient aussi quelques semaines avant une possible conférence de paix sur la Syrie, dite Genève 2, à l'initiative de Washington et Moscou. Difficile donc de rompre tout lien diplomatique avant cette échéance. "Il faut à la fois réagir et en même temps ne pas bloquer la conférence éventuelle de la paix", a pris le soin de souligner Laurent Fabius mardi soir. "Genève 2 ne va pas résoudre la crise. Le mieux qu'elle puisse faire, c'est envoyer des casque bleus pour séparer les belligérants et officialiser les nouvelles frontières de la partition syrienne ", explique encore Antoine Basbous. Les représentants du gouvernement et de l'opposition syrienne sont invités à la table des négociations. Mais rien ne dit pour l'heure que cette conférence aura bien lieu. Un diplomate russe cité par l'AFP a annoncé mardi que cette réunion n'aurait pas lieu en juin, faute d'accord sur une liste de participants.

*Antoine Basbous est l'auteur du livre Le Tsunami arabe (Fayard, 2011)

Caroline Vigoureux - leJDD.fr
 
mercredi 05 juin 2013
 

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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