02/07/2013 Texte

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L'Egypte se prépare à un ramadan extrêmement chaud

Le président égyptien Mohamed Morsi apparait de plus en plus isolé, lâché par cinq ministres et son propre porte-parole et sous le coup d'un ultimatum fixé par l'armée exigeant qu'il réponde aux demandes du peuple, après des manifestations monstres. Quelle est la situation politique ? L'armée joue-telle toujours son rôle se stabilisateur de la société égyptienne ? Le présidnt Morsi va-t-il quitter le pouvoir ? Arte Journal a interrogé Antoine Basbous, le Directeur de l'Observatoire des pays arabes et l'auteur du livre "Le tsunami arabe" paru chez Fayard en 2011 pour qu'il nous donne un éclairage face à cette situation complexe. Une interview menée par Sophie Rosengart.

ARTE Journal: Après l'ultimatum lancé par l'armée égyptienne au président Morsi, comment voyez vous la situation ?

Antoine Basbous: Nous assistons à un bras de fer entre la confrérie des Frères musulmans d'un côté et l'armée de l'autre. L'armée qui a vu qu'une masse historique de la population est descendue dans la rue cela ne s'est jamais vu auparavant même pour les obsèques de Moubarak ou pour la diva Oum Kalthoum, et bien elle a lancé un ultimatum au Président Morsi pour s'amender, pour trouver une solution, et cet ultimatum arrive à expiration le 3 juillet.

L'armée en Egypte a toujours été considérée par la population, c'était une marque de stabilité ?

Antoine Basbous: Justement, ce faisant l'armée ne mène pas un coup d'état, elle pousse le président à répondre aux aspirations de la population parce que la situation de la population s'est dégradée. Il y a beaucoup moins d'électricité, de gaz, de pain, d'essence dans les stations service, et beaucoup plus de chômage, il n'y a plus de touristes dans le pays, donc les recettes tombent et les réserves à la banque centrale ne suffisent plus que pour deux mois d'importation. Donc la situation est grave, le pays est en quasi faillite, et le divorce entre la Confrérie des Frères musulmans au pouvoir et le peuple est prononcé. Donc l'armée, loin de vouloir mener un coup d'état, demande au président d'écouter le peuple, parce que le peuple est descendu massivement dans la rue pour dire à Morsi : "dégage !".

Comment voyez-vous la situation dans les jours à venir, quelles sont les différentes hypothèses ?

Antoine Basbous : Je pense que, passé l'ultimatum, l'armée peut laisser la population se masser autour du palais présidentiel dans lequel s'est réfugié le Président Morsi, c'est à dire le palais Al Kouba, et à ce moment-là, Morsi se sentira comme Moubarak obligé de s'en aller. Il y a un risque que la Confrérie se dise, nous avons été élus au suffrage universel, nous allons nous maintenir au pouvoir, quitte à vivre un scénario comme en Algérie en 1992 et une guerre civile entre le FIS, l'AIS de l'époque et l'armée. En Egypte le risque se trouve entre les Frères musulmans, dont une partie est bien entraînée, et cette même armée épaulée par les adversaires des Frères musulmans de la société civile. Donc il y a un risque de confrontation. En revanche, le rapport de force est tellement favorable aux opposants de Morsi que je le vois mal engager le pays dans un bras de fer qui sera perdu d'avance.

Vous pensez qu'il va partir ?

Antoine Basbous : D'abord le président Morsi n'est que la vitrine de la Confrérie qui gouverne. Nous avons vu ces images - le guide suprême de la Confrérie était en train de réécrire le dernier discours de Morsi ce qui a obligé le président à repousser de près de trois heures l'heure de diffusion de son discours, parce que le guide était en train de corriger et nous avons également vu le guide assis au bureau alors que le président Morsi était courbé, penché au dessus du guide en train de relire la réécriture de son discours. Donc ce n'est pas Morsi qui est en cause, c'est tout le système. C'est la guidance et le guide Mohammed Badie qui ont un peu le rôle du guide de la révolution en Iran Ali Khamenei.

La Confrérie est extrêmement puissante; que peut-elle faire ?

Antoine Basbous : Les Frères musulmans sont très structurés, mais le divorce est prononcé entre eux et l'armée, entre eux et le peuple, et même entre eux et plusieurs mouvances islamistes salafistes, donc aujourd'hui ils sont vraiment ultra minoritaires mais ils sont les plus structurés.

Donc on risque d'arriver à une confrontation quand même ?

Antoine Basbous : Je pense que le rapport de force est tellement clair en défaveur des Frères musulmans qu'ils doivent trouver une solution. Participer comme le disait hier le communiqué de l'armée, il le laissait entendre... participer à la future feuille de route, en étant partie prenante, mais en n'ayant plus toutes les manettes en main.

Les jours à venir vont-ils être décisifs ?

Antoine Basbous : Je pense que la dynamique est irréversible, que nous allons assister à un ramadan extrêmement chaud, au sens propre du terme et au sens figuré, puisque la température en Egypte en ce moment, c'est entre 35 et 40 °, avec la pénurie d'électricité , d'essence, de gaz , de pain, le jeûne sera très difficile, il n'y aura pas de réfrigération pour les aliments, il n'y aura pas de climatisation et donc au sens propre et au sens figuré le ramadan qui commence dans une semaine sera réellement très chaud en Egypte.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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