11/08/2013 Texte

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Série d'attentats en Irak et débordement du conflit syrien

Une vague d'attentats à la voiture piégée a fait près de 80 morts et 240 blessés, samedi 10 août, en Irak. Douze attaques ont été recensées dans la seule ville de Bagdad, dans des quartiers à majorité chiite de la capitale. Avec un millier de morts, c'est le mois de ramadan le plus violent depuis plus de cinq ans. Entretien avec Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des pays arabes (OPA).

RFI : Comment expliquez-vous cette recrudescence de la violence en Irak ?

Antoine Basbous : Depuis le retrait américain, ce pays continue de souffrir d'une instabilité structurelle. Le pouvoir est contesté. Il est largement dominé par les chiites. Il fait partie de l’alliance iranienne et se comporte de façon sectaire, en traitant les sunnites qui sont minoritaires comme des citoyens de seconde zone. Ce facteur d’instabilité intérieur est doublé par les débordements du conflit syrien, où les sunnites contestent avec vigueur et succès le pouvoir de Bachar el-Assad, lui aussi membre du croissant chiite.

Pensez-vous, comme beaucoup d’experts, que cette violence risque encore de s’aggraver, du fait de la paralysie politique que subit le pays ?

Ce gouvernement sectaire de Nouri al-Maliki n’est pas appelé à apaiser les conflits. Il y a trois composantes dans ce pays : les sunnites, les chiites - qui sont majoritaires - et les Kurdes. Les frontières héritées de l’accord de Sykes-Picot de 1916 (entre la Grande-Bretagne et la France qui se partagent les terres arabes sous domination ottomane, ndlr) sont à l’agonie et la répression de Maliki, que ce soit à l’égard des sunnites ou des Kurdes, ne fait qu’aggraver la situation.

Le gouvernement ne semble-t-il pas incapable de fournir les services de base, comme l’électricité et, surtout, la sécurité ?

Ce gouvernement n’a pas de réelle compétence, il n’a pas confiance dans son peuple. Il veut contrôler le pouvoir, tout le pouvoir, sans céder quoi que ce soit aux autres composantes du pays. Il est vrai que les Kurdes bénéficient d’une autonomie de plus en plus renforcée et ce depuis les années 1990. Mais les sunnites, qui sont minoritaires et sont coincés à l’ouest du pays, adossés à la Syrie, eux, revendiquent. Ils voient que la décomposition de la Syrie leur donne des ailes pour revendiquer une place sur la scène politique irakienne. Et le fait que l’Iran soit un acteur qui intervient régulièrement sur la scène irakienne et sur la scène syrienne les met en colère.

L’évasion des prisons irakiennes de 500 prisonniers, dont des hauts responsables d’al-Qaïda, ne renforce-t-elle pas la défiance de la population vis-à-vis du gouvernement ?

Cette évasion de près de 500 prisonniers islamistes de la prison d'Abou Ghraib a sans doute contribué à ce regain de tensions et de violences. Parce que, là, on est dans le cadre de représailles entre le gouvernement à majorité chiite adossé sur l’Iran et ces prisonniers, qui cherchent à se venger du traitement qu’ils ont eu et du pouvoir qu’ils ont perdu. A vrai dire, il n’y a pas une culture de partage de pouvoir. Il n’y a pas de confiance entre les trois composantes nationales de l’Irak. C’est pourquoi les frontières héritées de Sykes-Picot vont éclater, non seulement en Irak, mais également en Syrie.

Le conflit syrien déborde sur les pays de la région. Le Liban en fait les frais à plusieurs titres. Il y a deux jours, il y a eu une prise d’otages des pilotes turcs et Ankara a réagi en décidant de retirer ses troupes de la force de l’ONU au Liban (Finul). Y’a-t-il un lien entre ces deux évènements, même si Ankara s’en défend ?

Forcément il y a un lien. Le Liban est maintenant entre les mains du Hezbollah. La route de l’aéroport redevient comme dans les années les plus sombres de l’histoire de ce pays une route dangereuse et menacée. Il y a deux jours deux pilotes de la Turkish Airlines ont été enlevés à une minute de l’aéroport.

Des pèlerins libanais qui rentraient d’Iran à travers la frontière turque ont été enlevés dans le nord de la Syrie où ils sont retenus en otage. Mais là, cet acte d’enlèvement est davantage lié à l’offensive de l’opposition syrienne contre le fief alaouite de Bachar el-Assad à côté de Lattaquié qui a fait réagir les alliés de la Syrie au Liban.

Quant au problème des réfugiés syrien au Liban, n’est-il pas en train de prendre des proportions que le Liban, seul, semble bien avoir du mal à résoudre ?

Au Liban aujourd'hui, plus du tiers de la population sont des réfugiés, que ce soit des réfugiés palestiniens de 1948, de 1967 ou plus récents, auxquels il faut ajouter au moins un million de réfugiés syriens. Donc il ne faut pas charger la mule plus qu’elle ne peut supporter. Le Liban ne doit pas être pointé du doigt en cherchant à réglementer l’entrée de réfugiés sur son territoire, car plus du tiers de la population est constitué de réfugiés.

Par François Bernard

Voir l'article original sur rfi.fr

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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