14/06/2017 Texte

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Crise dans le Golfe: Pour les vaches du Qatar, ça va de mal en pis

La fermeture des frontières aériennes, terrestres et maritimes menace l'émirat de pénurie de produits frais. Pour éviter la crise, un homme d'affaires compte faire venir des vaches par avion.


 

Des vaches pour sauver le Qatar. 4000 specimens vont être acheminés par les airs pour relancer la production de lait. Elevés en Australie et aux Etats-Unis, les bovins vont certainement effectuer le plus grand voyage de leur vie à bord d’une soixantaine d’avions de la compagnie Qatar Airways. Moutaz Al Khayyat, président de Power International Holding, une entreprise qatarie spécialisée dans le bâtiment, est à l’origine de cette idée. «C’est le moment pour le Qatar de se mettre au travail», a déclaré l’homme d’affaires à Bloomberg. Le coût total du transport devrait dépasser les 7 millions d’euros. Et Moutaz Al Khayyat voit grand pour ses bêtes : il a fait l’acquisition d’une ferme aussi vaste que 70 terrains de football afin d’accueillir les génisses, prêtes à mettre bas. Il s’agit du plus gros transport aérien de bovins jamais effectué à ce jour.

Le 5 juin dernier, l’Arabie Saoudite et ses voisins mettaient au ban le Qatar et l’accusaient de soutenir plusieurs groupes terroristes au Moyen-Orient. Le gel des relations diplomatiques et commerciales a entraîné un embargo sur les produits d’importation. Pour éviter le risque de pénurie, Doha multiplie les accords de substitution. Au lendemain de l’annonce du blocus, les Qataris, paniqués, avaient pris d’assaut les supermarchés de Doha.

Pour pallier une éventuelle pénurie, le pays est dans l’obligation d’ouvrir de nouvelles routes commerciales pour importer de la nourriture, mais aussi des matériaux de construction et des équipements pour son industrie du gaz. Pour Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des pays arabes (OPA), «le Qatar n’a pas le choix : il doit développer de nouvelles routes commerciales, trouver des circuits de substitution en s’appuyant sur le Koweït, Oman et plus sérieusement en travaillant avec l’Europe et l’Asie, afin d’acheminer des biens sans transiter directement par l’espace aérien des voisins qui exercent le blocus», affirme Antoine Basbous.

Le ministre qatari des Affaires étrangères, le cheikh Mohammad ben Abdel Rahman Al Thani, a dénoncé des mesures «iniques» et «illégales» imposées par les pays du Golfe et l’Egypte à son pays. Il a notamment rappelé que le Qatar était «prêt à s’asseoir et à négocier au sujet de la sécurité du Golfe.» Mais pour Basbous, «cette annonce d’une livraison de vaches par les airs est avant tout une affaire de posture. Un coup de menton du Qatar, pour dire qu’il résiste et qu’il ne cède pas. Pour pouvoir négocier le blocus, le Qatar doit montrer qu’il n’est pas à genoux, mais bien en position de force.»

La valeur des importations de produits alimentaires a été multipliée par huit entre 2001 et 2015 pour atteindre 3 milliards de dollars. Jusqu'au blocus, 80 à 90% des denrées alimentaires venaient de Riyad et des Emirats arabes unis. Dimanche 11 juin, c'est l’Iran qui a ouvert le premier axe commercial alternatif avec le Qatar. La République islamique a fait parvenir au Qatar cinq avions remplis de plusieurs centaines de tonnes de denrées alimentaires. La Turquie a également affiché son soutien à l'émirat isolé et exporte désormais des volailles et des produits laitiers à destination de Doha. L’Algérie et le Liban ont, quant à eux, exporté des fruits et des légumes.

«Il faut remettre tout le circuit en marche et le réorganiser. Cela va être pénible et coûteux. Le Qatar compte moins de 250 000 habitants qataris mais plus de 2 millions de travailleurs étrangers qui ne peuvent pas suivre une augmentation des prix liée à l’embargo», atteste Antoine Basbous. La production de lait des 4000 vaches devrait débuter à la fin du mois de septembre et couvrir un tiers de la demande qatarie d’ici juillet 2018.

Par Charles Delouche (Libération)

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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