14/04/2024 Texte

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Israël a l'opportunité de casser la stature internationale de l'Iran

Pour Antoine Basbous, associé de Forward Global et directeur de l'Observatoire des pays arabes (OPA), au-delà des multiples appels à éviter l'escalade, Israël « ne peut rester les bras croisés ». L'attaque de ce week-end est « une opportunité pour Tel Aviv de retrouver un rapport de force en sa faveur face à Téhéran ».

La désescalade est-elle encore possible au Proche-Orient ?

Depuis six mois, Israël est embourbé dans une guerre à Gaza et peine à venir à bout du Hamas, l'allié de l'Iran. C'est la première fois de son existence que l'Etat hébreu est confronté à une telle situation. Il est en train de perdre sa crédibilité militaire et ne dispose plus de sa mythique dissuasion. C'est pour cela qu'Israël a décidé de frapper le consulat iranien à Damas le 1er avril, tuant du même coup plusieurs hauts gradés du corps des gardiens de la révolution et l'architecte de l'opération du 7 octobre, le général Zahedi . Il s'agissait de frapper le commanditaire iranien et de nuire à l'influence régionale grandissante de la République islamique.

Désormais, Israël a l'opportunité de casser la stature internationale de l'Iran en imposant un rapport de force en sa faveur. Au Liban, la confrontation avec le Hezbollah, bras armé de l'Iran, accélère. A Gaza, le conflit avec le Hamas s'enlise. Les Houthis du Yémen poursuivent leur harcèlement méthodique. Et Israël ne peut rester les bras croisés après avoir été la cible de plus de 300 missiles et drones. Le feuilleton n'est donc pas terminé.

Quel est l'intérêt de l'Iran ?

L'Iran a montré qu'il avait osé répliquer sur le territoire d'Israël. Il a déconstruit un mythe, celui de l'invincibilité de l'Etat hébreu. Au-delà, l'espoir des Iraniens, c'est de sauver la face et que les choses s'arrêtent là. Mais le pouvoir chiite n'a sauvé la face que vis-à-vis de sa base sociale. Et encore. Car sinon, c'est plutôt un échec : Israël et son bouclier dans la région ont pulvérisé les projectiles iraniens avant qu'ils n'arrivent sur son sol. Quant à l'allié de l'Iran dans la région, le Hezbollah, il pensait infliger des pertes douloureuses à Israël mais dans les faits, c'est plutôt l'inverse qui se passe.

Quelle pourrait être la réponse israélienne ?

Israël possède des sous-marins équipés de missiles, qui patrouillent dans le golfe arabo-persique, dispose de missiles sol-sol puissants et précis et de bombes lourdes pouvant être lancées par des avions ravitaillés en vol sur des sites stratégiques iraniens. La capacité d'Israël à frapper l'Iran est réelle.

Mais seuls les Etats-Unis disposent des moyens d'infliger des pertes très importantes à l'Iran et peut-être même de retarder significativement son programme nucléaire mais ils n'en ont pas la volonté aujourd'hui. Washington veut éviter toute escalade. D'abord parce que 2024 est une année électorale aux Etats-Unis. Ensuite parce que les Américains sont déjà confrontés au conflit en Ukraine. Et enfin parce que la Chine les préoccupe.

Les Jordaniens ont abattu des missiles iraniens qui visaient Israël. Pourquoi ?

C'est une question de souveraineté. Quand votre territoire est survolé par des missiles et des drones sans leur avoir accordé le droit de survol, vous devez réagir. Mais il faut savoir que l'Iran essaie de déstabiliser la Jordanie, alliée historique des Occidentaux, depuis des semaines en voulant le transformer en front de soutien à Gaza. Des manifestations sont organisées tous les vendredis contre le pouvoir, des rassemblements ont régulièrement lieu en face de l'ambassade israélienne à Amman et l'Iran affiche sa volonté d'armer les Palestiniens présents en Jordanie pour qu'ils traversent le Jourdain et attaquent Israël.

De plus, ce pays frontalier d'Israël est, avec l'Egypte, le plus touché par le conflit à Gaza. Les économies égyptienne et jordanienne sont à terre. Leurs opinions publiques sont très remontées et les gouvernements sont inquiets par la suite de la guerre d'usure en cours. Pour eux, il est important que la guerre ne dure pas.

Par Guillaume de Calignon (Les Echos)

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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