03/11/2007 Texte

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Retour au pragmatisme entre Paris et Damas mais sans illusions (ECLAIRAGE)

ISTANBUL, 3 nov 2007 (AFP) - La première rencontre de haut niveau depuis 2004 entre la France et la Syrie à Istanbul marque un retour au pragmatisme mais Paris ne se fait pas d'illusions et conditionne toujours une amélioration des relations à un changement de l'attitude de Damas vis-à-vis du Liban.
Le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner, qui a qualifié de "franc et direct" son entretien de plus d'une heure vendredi avec son homologue syrien Walid Mouallem en marge d'une conférence sur l'Irak, est convaincu qu'on ne peut régler les crises si on ne parle pas à ses principaux acteurs.
Cette vision marque une rupture avec la ligne adoptée par l'ancien président français Jacques Chirac, qui avait décidé de suspendre les contacts de haut niveau avec la Syrie après l'assassinat de son ami Rafic Hariri en février 2005, auquel Damas est soupçonné d'être mêlé.
Les critiques de M. Chirac avaient vu dans l'intransigeance de sa position, puis dans son installation dans un appartement parisien prêté par la famille Hariri à son départ du pouvoir cette année, le symbole d'une politique libanaise devenue "une affaire personnelle".
"C'est le retour à la raison et au pragmatisme", estime le spécialiste des relations internationales de l'université stambouliote de Bahçesehir, Cengiz Aktar, pour qui la stratégie de l'isolement aboutit à une impasse.

Pour Antoine Basbous, de l'Observatoire des pays arabes, la France du président Nicolas Sarkozy "fait une dernière tentative" après les désillusions de l'ère Chirac. Mais "n'est plus prête cette fois à faire crédit à la Syrie".
La secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice s'était entretenue début mai à Charm el-Cheikh (Egypte) avec M. Mouallem, en marge d'une première conférence des pays voisins de l'Irak.
Mais, preuve de la difficulté de tout geste vis-à-vis de Damas, elle a décidé de ne pas l'inviter samedi à une réunion multilatérale sur le Liban organisée par les Etats-Unis à Istanbul en présence de M. Kouchner.
Paris a proposé vendredi à Damas de travailler à une nette amélioration des relations, faisant "le pari que la Syrie est capable de se bien comporter", a expliqué M. Kouchner. Il a souligné que "d'autres gestes étaient envisagés".
Mais la mise en garde "très claire" qu'il a lancé à son homologue syrien contre un "vide politique au Liban qui se traduirait par une déstabilisation de toute la région" montre que la position française demeure aussi ferme que par le passé.
Paris fait de la tenue de l'élection présidentielle libanaise "selon la constitution et à la date prévue" le test de sa nouvelle approche.
Le Liban est paralysé par la démission des ministres chiites du gouvernement de Fouad Siniora en novembre 2006. Il est aussi régulièrement secoué par des attentats contre des personnalités antisyriennes.
La présidentielle a été reportée à deux reprises, faute de consensus sur un successeur au président pro-syrien Emile Lahoud, dont le mandat s'achève le 24 novembre. La nouvelle séance a été fixée au 12 novembre.

MM. Kouchner et Mouallem sont tombés d'accord sur un certain nombre de points soumis par ce dernier, dont l'absence de toute "ingérence extérieure" et un président "soutenu par une très large majorité des Libanais".
Or, le ministre français a lui-même reconnu que les deux pays avaient des interprétations "dissemblables" sur ces points.
Les ministres sont également convenus qu'"il ne pouvait y avoir aucun attentat" au Liban. M. Kouchner, qui avait annulé fin septembre un projet de rencontre avec M. Mouallem après l'assassinat d'un député anti-syrien, a reconnu qu'un nouvel attentat pourrait mettre un terme à cette fragile entente franco-syrienne.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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