15/01/2009 Texte

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«Ils ferment les yeux sur le «sale boulot» fait par Israël»

Le Temps: L'intervention de l'armée israélienne contre le Hamas a-t-elle reçu le feu vert de certains pays arabes ? Antoine Basbous: Pas formellement. Seuls le Hezbollah, la Syrie et le Qatar viennent en aide au Hamas. Mais les autres pays arabes ont le sentiment que le Hamas est instrumentalisé par l'Iran pour les mettre en difficulté et ils tentent d'y résister. Ils ne veulent pas être piégés par la stratégie iranienne et son bras armé en Palestine. Mais dans le même temps, ces mêmes pays arabes doivent gérer leurs opinions publiques qui, elles, ne savent pas forcément quel rôle joue l'Iran dans ce conflit. La rue arabe voit des corps déchiquetés et l'émotion est très forte. - Quel est le jeu de l'Iran ? - L'Iran veut dire à Barack Obama: nous sommes l'interlocuteur incontournable de la région. Il cherche à créer une diversion. Pendant que l'on parle des souffrances du peuple de Gaza, l'on ne s'intéresse pas à la question de son programme d'armes nucléaires; pendant que l'armée israélienne bombarde Gaza, elle ne songe pas à attaquer l'Iran. Mais les choses sont rendues encore plus complexes par le contexte électoral israélien. La coalition au pouvoir traîne le boulet de l'échec de la guerre du Liban, en 2006, et veut à tout prix présenter un meilleur bilan avec une victoire contre le Hamas. Quant au Hamas, il en profite pour tenter d'écarter l'Autorité palestinienne et son président Abbas. - Le régime égyptien parvient toutefois à conserver des contacts avec toutes les parties. - L'enjeu de cette guerre est capital pour l'Egypte. Le Hamas est une émanation des Frères musulmans égyptiens, qui sont dans l'opposition et en sympathie avec l'Iran. Gaza est un enjeu de sécurité, de politique intérieure et internationale. L'Egypte est coincée entre la pression de l'émotion populaire et les enjeux politiques. Si le Hamas gagne à Gaza, les Frères musulmans se renforceront au Caire. C'est très délicat, d'autant que l'on se trouve dans un contexte de succession dynastique avec Hosni Moubarak, qui cherche à transmettre le pouvoir à son fils. - Qu'en est-il de l'Arabie saoudite, qui a longtemps soutenu le Hamas ? - L'Arabie saoudite s'est sentie trahie par le Hamas et s'en méfie, car il a préféré s'allier avec l'Iran. - Une trahison qui explique le soutien à l'intervention israélienne ? - Ce soutien n'est pas explicite. Les pays arabes modérés ont un double jeu: face à leur opinion publique, ils rivalisent de déclarations pour dénoncer les crimes d'Israël, soigner les blessés palestiniens, collecter des fonds pour les victimes, envoyer des médicaments, organiser de grandes prières. Mais, dans le fond, leur espoir le plus sincère est la chute du Hamas, même s'ils ne peuvent l'afficher. - Quels sont ces pays arabes modérés ? - Si l'on exclut la Syrie et le Hezbollah (ndlr: au Liban), tous les autres ne soutiennent pas le massacre de Gaza, mais ils ferment les yeux pour que le «sale boulot» soit fait le plus vite possible par Israël. D'ailleurs, il suffit d'observer la position de l'Autorité palestinienne et la réaction des Palestiniens de Cisjordanie: ils sont silencieux. - En Cisjordanie, on constate pourtant un soutien de plus en plus fort pour le Hamas... - Sous les bombes contre Gaza, les sondages en Cisjordanie ne signifient pas grand-chose. Attendez la fin des combats, quand on verra les dégâts aux infrastructures, les pertes et les énormes souffrances. Le Hamas ne pourra les justifier. Mais tout dépend de l'issue de la guerre. Si le Hamas l'emporte, Mahmoud Abbas sera évidemment fini et c'est la ligne dure, celle de l'Iran, qui triomphera. Mais si le Hamas est brisé, les modérés pourront dire qu'ils avaient raison face aux va-t-en-guerre, et l'Iran sera déconsidéré. Cela dit, je dois bien reconnaître qu'il n'y aura pas d'enquête côté palestinien, contrairement à Israël, pour établir les responsabilités après guerre. On ne saura pas qui était contre la reconduction de la trêve.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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